mardi 25 janvier 2011

Luca Cambiaso, dessinateur de Gênes

Quel plaisir de voir une exposition tranquillement. De pouvoir prendre un peu de distance ou de se coller contre les œuvres pour voir un détail. Il y a bien quelques touristes perdus dans ces salles adjacentes aux tableaux italiennes mais rien de gênant. On peut découvrir donc.
Le Louvre possède une belle collection des dessins de Luca Cambiaso (1527-
1585) , prise après la Révolution parmi les biens des émigrés. La collection de Charles Paul Jean-Baptiste de Bourgevin Vialart de Saint Morys (1743-1795) (Quel plaisir d'écrire un nom aussi long) a dû être superbe.
De Luca Cambiaso je ne connaissais que ces dessins bizarres avec des corps carrés. Ils me font penser au film "Le Magicien d'Oz" ou on trouve un personnage tout carré. Un exemple:



Il n'y en a presque pas à cette exposition au Louvre (un seul dessin d'un disciple, et encore, un bout seulement) et, je l'avoue, j'étais un peu déçu au départ. Mais au lieu de trouver du connu on découvre du nouveau. Quel coup de crayon! Les corps semblent bouger. On se sent soudain tout petit avec son crayon et son cahier.



Cet homme là avait visiblement un plaisir à dessiner. Il trouvait un bonheur dans la création. J'avais sans doute moi même un peu besoin de cela. (C'est au Louvre mais il faut se dépêcher)

lundi 24 janvier 2011

Mondrian: Ligne Directe

La ligne droite, nous apprennent les physiciens, n'existe pas. Toute ligne revient tôt ou tard à son point de départ. C'est le cercle qui prédomine. Mondrian, en Hollandais qu'il était, ne voyait que l'horizon: ligne horizontale, puis tout ce qui pousse,ce qui vit, qui va vers le haut: ligne verticale. Il est certain que la ligne diagonale perturbe dans ce dessin. Elle n'est pas naturelle. Mondrian se méfiait de la nature sauvage mais il me semble que son travail est pourtant profondément naturel. Ce n'est pas tellement le trait spontané qui compte, non, pour lui il n'y avait qu'une seule chose possible: pas de diagonale.
En revanche, rien n'empêche de mettre un tableau en position de losange. Et c'est étrange car, autant les images de tableaux bien carrés se trouvent par centaines sur le web, autant les œuvres accrochées par le coin restent introuvables. Rien de mieux que ce dessin donc;



La ligne droite va sans détours. Elle est, du coup, un acte métaphysique, mystique. La où l'encre devient invisible, la nature prend le relais et poursuit dans infini. Cela, en théosophe, Mondrian l'aurait parfaitement accepté: une ligne, bien tracée, une ligne initiée, ne s'arrête jamais. On peut la voir encore aujourd'hui, celle là même tracée par Mondrian. Il suffit de bien regarder. Dans n'importe quel champ de vision. (Enfin, jusqu'au 21 mars au Centre Pompidou à Paris pour l'aspect éphémère )

lundi 17 janvier 2011

Saint Basquiat, martyr


(Saint Basquiat Pantocrator en ange déchu)


Jean Michel Basquiat a commencé à peindre sur les murs de New York avec un message religieux. La brochure de l'exposition au MAM parle de pseudo religion, ce qui n'est ni véridique, ni respectueux. Il s'agit de prendre les formules taguées au pied de la lettre. "SAMO sauve les idiots", veut simplement dire que ces "Mêmes Vieilles Merdes" sauvent tout un chacun (qui peut se targuer de ne pas l'être?) L'art sauve donc et rien d'autre nous sauvera. Message parfaitement clair. Maintenant on comprend la présence d'auréoles au dessus des têtes. Auréoles ou couronnes. Le royaume du ciel et le royaume de ce monde. De cette religion Jean Michel Basquiat est pourtant devenu un martyr. Cette exposition divisée en salles qui prennent pour jalons les expositions dans les galeries, où se pavanaient les membres de la jet set artistique sous l'œil bienveillant des galeristes avides, a quelque chose de profondément indécent. Basquiat fut pressé jusqu'à la dernière goutte de peinture. Sa mort fut une aubaine pour sa cote qui n'a pas cessée de grimper depuis. Si jamais les martyrs peuvent intercéder dans les affaires terrestres, comme nous l'enseigne l'église, je lui fais la prière de faire de l'art contemporain un guide pour l'avenir et non pas un objet de spéculation. Amen.

samedi 8 janvier 2011

Pietà






On m'a donné un corps. Qu'en faire?
Tellement unique, tellement à moi.

Pour une joie calme vivre et respirer:
Dites, qui dois je remercier?

Je suis la fleur, je suis le jardinier
Jamais seul au plus noir de l'univers.

Sur le verre de l'éternité
Mon souffle, ma chaleur
Déjà sont déposés.

Sur lui, leur dessin va s'imprimer
Méconnaissable depuis peu de temps.

On passe l'eau trouble de l'instant
Elle ne pourra effacer
Le dessin bien-aimé.


Un poème d'Ossip Mandestam de 1910 publié dans cette superbe série "Poètes d'Aujourd'hui" chez Seghers. Il y a 100 ans mais toujours d'aujourd'hui.

vendredi 7 janvier 2011

Roseaux



La flute était historiquement un instrument humble, joué par des gens qui n'avaient pas les moyens de se procurer un instrument qui demandait pour la fabrication un savoir faire plus compliqué. La flute se fabrique encore aujourd'hui souvent par le musicien, en Inde du moins. Le grand flutiste Hariprasad Chaurasia va encore régulièrement dans la forêt pour trouver le bambou qu'il lui faut pour faire ses instruments. Ces racines populaires ne s'entendent pas souvent aujourd'hui quand on entend un flutiste en concert. Les flutistes en Inde depuis la deuxième moitié du 20e siècle, se sont détournés peu à peu de leur héritage populaire. Parfois ces racines ressortent pourtant. Chaurasia lui même finit ses concerts encore régulièrement avec la petite flute aiguë. Pour l'essentiel cependant la flute est devenu un instrument comme les autres, sérieux, classique. Il est rare de trouver des musiciens qui continuent la tradition populaire. Le musicien dont j'ai numérisé une vieille cassette pakistanaise est de ceux là. Un entend le fleuve, l'eau, les bateaux. Son nom est Masud Ahmed. Essayez de trouver de la musique de lui. Vous aurez du mal, je vous le dis.

http://www.mediafire.com/?ug5oqub52iq70




Voici un LP d'un musicien assez obscur: Sadiq Ali, flutiste pakistanais. Encore une fois une musique profondément populaire, immédiate. Tout ce que j'aime!

http://www.mediafire.com/?xmbh1ndwfeu4p



Autre flutiste très rare: Babur Ali. La dernière pièce n'est pas annoncé sur la pochette. Pièce folklorique pas très réussie. Le reste est topclass.

http://www.mediafire.com/?u3xvvr924waru




Sain Ditta Qadri, flutiste de renom au Pakistan. Deux thumries, Khamaj et Bhairavi avec le joueur de vichitra vina Abdul Rashid Khan. Une combinaison rare! Sur l'autre face raag Salagvarali Todi et un petite mélodie folklorique. Cassette éditée au Pakistan (Lok Virsa IT 0012) en 1985:

http://www.mediafire.com/?8zdv9k4v4i5h7



Une première cassette de Arif Jaffary, flutiste pakistanais. La musique des différentes régions du Pakistan. Rare!
http://www.mediafire.com/?gbe475yq8fpi8



Une deuxième cassette d'Araf Jaffary, flutiste pakistanais. Merci à Ashfaq Khan pour les traductions. Même adresse.



Une autre cassette de Sain Ditta Qadri. Les ragas Darbari, Barwa et Pahadi Cassette pakistanaise Lok Virsa 0018. Pas d'autres détails, même dossier que la cassette de Sain Ditta Qadri mentionnée ci-dessus:

http://www.mediafire.com/?8zdv9k4v4i5h7



Salamat Hussain. Flutiste Pakistanais. Il parait qu'il fut élève de Debu Bhattacharya, autre flutiste rare dont j'ai rajouté un enregistrement dans le ficher. Je suppose qu'il a été aussi l'élève de Salamat Ali Khan car sur la face 2 on trouve une version du raag Rupawati Kalyan, raag conçu par Salamat Ali Khan. Tout cela n'est pas sûr du tout, comme souvent dans le domaine de la musique hindoustanie.

http://www.mediafire.com/?uou0odihdof5d

jeudi 6 janvier 2011

Au Coeur d'Alexandrie




Il y a des livres qui sont comme des vieux amis qu'on avait perdus de vue. Soudain on se retrouve nez à nez. Les retrouvailles sont immédiates. L'intimité n'a jamais disparu. Un vrai amour, c'est pour la vie. Les malheur des Coptes d'Alexandrie m'a fait reprendre les poèmes de Constantin Cavafy, une vieille traduction de Georges Papoutsakis, publiée en 1958. Je me souviens que c'est grâce à ce livre que j'ai vraiment senti ce que c'est que l'homosexualité. Chez d'autres auteurs ça restait une affaire cérébrale, chez Cavafy je me retrouvais d'emblée dans une volupté totale. Cavafy fait parti de ces rares écrivains que j'aurais aimé rencontrer. En tout bien tout honneur, cela va de soi. Pas lui sans doute. Je ne suis sûrement pas son genre. Premier poème:

Je suis allé

Libre de tout lien, entièrement abandonné, je suis allé.
Vers des réjouissances qui, moitié réelles,
moitié illusoires, hantaient mon cerveau,
dans la nuit illuminée, je suis allé.
Et j'ai bu des vins forts, comme seuls
savaient en boire les vaillants de la volupté.


"Avoir quelque chose dans la peau", belle expression qui correspond parfaitement à Cavafy. La ville d'Alexandrie, il l'avait dans la peau. Pas comme les terroristes qui portent leurs bombes sous leur manteau pour se faire exploser et gagner une volupté ridicule dans l'au-delà. Cavafy le savait bien: La volupté, c'est dans la vie qu'il faut la trouver.

La Ville

Tu as dit: "J'irai dans une autre terre, sur une autre mer.
Une autre ville surgira meilleure que celle-ci.
La fatalité condamne, ici, tous mes efforts;
et mon coeur -tel un mort- gît enterré.
Jusqu'à quand mon esprit restera-t-il dans ce marasme?
Partout où je dirige mon regard, partout
je ne vois que les noirs décombres de ma vie, ici
où j'ai passé tant d'années, tout détruit et tout ruiné."

De nouveaux lieux, tu n'en trouveras point, ni d'autres mers.
La ville te suivra: dans les rues tu rôderas,
dans ces mêmes quartiers tu vieilliras
et sous ces mêmes toits blanchiront tes cheveux.
Toujours à cette ville tu aboutiras. Quant à aller ailleurs -
plus d'espoir -point de bateau pour toi, point de route.
Comme tu as ruiné ta vie en ce petit recoin,
sur toute la terre tu l'as aussi détruite.

dimanche 2 janvier 2011

Thé à Kandahar


Voilà ce dont je me souviens de l'Afghanistan: je descends d'un car et je vais dans une maison de thé pour boire du thé vert. Le soir des musiciens viennent. Un joueur de rebab le plus souvent. Parfois il vient avec un oiseau en cage. Si la musique est vraiment bonne l'oiseau chantera. Enfin, ce n'était pas tous les soirs. La plupart du temps on parlait juste avec des gens.
Je viens de retrouver une cassette pakistanaise: Nashenas, une coproduction de IFH (une société pakistanaise qui a beaucoup fait pour promouvoir la musique classique et populaire) et l'UNHCR, ce qui laisse à penser que les musiciens étaient des réfugiés, venus pour fuir les Talibans.

http://www.mediafire.com/?1rodx55b6mqe1