dimanche 20 février 2011

St. Christophe passe le gué



Mes yeux
sont couverts.

L'eau
nous entoure.

Les rives sont
perdues de vue.

Rien
je vous dis,

rien
ne me pèse.

Je trouverai
un endroit

où mettre
les pieds.



(Travail terminé ce jour)

jeudi 17 février 2011

Pahadi Jhinjoti



Voici un raga que j'ai toujours eu beaucoup de mal à comprendre. Le grand Ali Akbar Khan le jouait souvent et le résultat me semblait être le raga Jhinjoti pur. C'est le côté Pahadi que je n'arrivais pas à saisir. Soyons précis. Le grand musicologue Bhatkhande définit les calanas de Jhinjoti ainsi: SRMG. RSn'D'P'. D'SRMG. SRMG.RMG.GMGRS.RSn'D'P'. On le voit: pas de n et G dans les phrases ascendantes, G et P sont au centre de tout.
Maintenant Pahadi: RGMG.SD'P'M'G'.G'P'D'S. Ici toute trace de "n" a disparu. RGMG remplace SRMG. Pour le reste on retrouve G et P comme notes importantes.
Maintenant Pahadi Jhinjoti. Selon Ravi Shankar il s'agît d'un raga populaire au début du 20e siècle. Les enregistrements d'Inayat Khan et de Gauhar Jan attestent cette popularité. Allaudhin Khan, fondateur du gharana de Maihar le jouait souvent. Aujourd'hui on ne le retrouve seulement joué par les disciples de ce dernier. Dans ce que j'entends c'est M et D qui ont remplacé G et P comme les notes essentielles. Pourquoi? Mystère. Le reste est plus Jhinjoti que Pahadi. Maintenant il y a aussi des gens qui jouent Jhinjoti autour de M. Du coup on retrouve des éléments de raga Rageshri. La musique indienne est d'une richesse insondable.
Voici la musique du jour. Deux versions de Pahadi Jhinjoti, d'abord la version de Ravi Shankar, la plus claire, puis Tejendra Majumdar, digne élève du grand Bahadur Khan.

http://www.mediafire.com/?qm1c9i3mjbc15

Motus



Pourquoi ces bouches qui sont comme fermées de l'intérieur dans les sculptures de Franz Xaver Messerschmidt? Ce ne sont pas des bandeaux: les bandeaux se placent sur la bouche et non pas dedans. Les têtes de Messerschmidt sont fermées de l'intérieur. Un peu comme les protège-dents que portent les boxeurs avant le combat. Un critique d'art, m'apprend le catalogue, parle d'une ceinture de chasteté. Je lui rappelle qu'une ceinture de chasteté ne se met pas sur la bouche (enfin, si, peut-être, dans certains cas). Il me semble qu'il s'agit ici non pas d'un mécanisme qui empêche l'expression mais d'une protection contre les coups qui peuvent venir de l'extérieur. Celui qui s'exprime librement doit être prêt à recevoir des coups. Dieu sait que Messerschmidt en a pris dans sa vie. Être sculpteur à la cour autrichienne... Il suffit de lire Thomas Bernhard pour avoir une idée de ce que cela comporte comme risques. Mieux valait prévenir.
(jusqu'au 25-04-2011 au Musée du Louvre)

vendredi 11 février 2011

Le Passeur



On voudrait, pour ce pas qu'il doit franchir
- si l'on peut parler de franchir
là où la passerelle semble interrompue
et l'autre rive prise dans la brume
ou elle-même brume, ou pire: abîme -
dans ce vent barbelé,
l'envelopper, meurtri comme il l'est, de musique...

Et ce n'est pas qu'aucune musique protège
de pareilles morsures;
plutôt qu'elle soulève, qu'elle incline différemment
et qu'elle semble dire, quelquefois:
"Où je vous porte, si vous m'écoutez,
le pire froid, la pire ombre ne sont bientôt plus
que vielles hardes par vous oubliées
comme peau de serpent dans les pierres après la mue,
l'inouï dont je suis l'écho répercuté
par les sombres parois grandit et gagne,
comme vous avez vu gagner le jour
sur les replis les profonds de la vallée..."

Se pourrait-il qu'ainsi enveloppé
il cesse de trembler
et ne soit plus rompu et terrassé qu'en apparence?

Vous, lentes voix qui vous nouez et dénouez
dans le ciel intérieur,
si vous ne mentez pas, enlevez-le dans vos mailles
plus limpides que celles de la lumière sur les eaux.

(Poème de Philippe Jaccottet dans le recueil Pensées sous les Nuages, publié dans A la lumière d'hiver (Poésie/ Gallimard)
Le tableau fait ce jour même.

lundi 7 février 2011

La queue du chaman



Le chaman est celui qui assure le lien entre le monde des vivants et celui des morts. Il entre en transe et nous parle de ceux qui sont de l'autre côté. Métier dangereux car le retour parmi les vivants n'est pas assuré. J'ai appris récemment que les costumes des chamans possédaient souvent une queue. C'est grâce à elle qu'on pouvait retenir le chaman dans ce monde-ci. Voilà l'histoire de ce dessin que je viens de faire à l'instant. Le texte est un peu difficile à lire. le voici:

Je disais:
Non, ne disparais pas
parmi les ombres.
Reste ici.
Je te retiens
par la queue
mais la queue
me reste
dans la main.




L'exposition des masques et robes chamaniques à l'Espace Durand Dessert (Paris 11e) dure jusqu'au 30 Avril.

jeudi 3 février 2011

C'est clair


Je me souviens de la campagne présidentielle de Lionel Jospin en 2002. Il y avait un slogan "Avec Jospin c'est clair". A l'époque je me disais qu'à force d'être clair on devient transparent et invisible. On a vu la suite. Rossella Bellusci appelle cela diaphane mais le résultat est le même: la lumière efface tout, ne résout rien.
Autre exemple: Juste au moment de mourir Goethe, dans un dernier râle, dit: "Mehr Licht", plus de lumière. Puis il meurt aussitôt. Conclusion : il faut se méfier de la lumière. Le clair obscur est une preuve de vie. Un bout de noir, c'est l'espoir. Ce qu'il faut chercher n'est pas le bout du tunnel ("Viens vers la lumière!"), non, c'est le tunnel même qui est le but.
Pourtant j'ai bien aimé ces photos d'ombres et surtout les caissons lumineux de Rossella Bellusci à la Galerie Taïss. 14 rue Debelleyme, Paris 3e. Il faut croire que nous sommes des enfants qui craignent l'obscurité, des mouches qui volent vers la lumière.