dimanche 29 mai 2011

Du bon usage de l'encre (le Salon de Montrouge 2011)


Le salon de Montrouge 2011 a un côté accrochage de fin d'année aux Beaux Arts. Des œuvres mal fichues, mal accrochées, mal pensées. Puis de temps en temps il y a des choses intéressantes (ce qui tranche avec la moyenne des salons). On continue dans ce hangar où les médiateurs s'ennuient devant un public essentiellement constitué d'une classe de maternelle. Puis des choses franchement réussies. Des photos surtout. En regardant celles de Tiantian Xu, photographe chinoise, je pensais qu'il s'agissait de fumées mais en lisant le texte je découvre qu'il s'agît d'encre dans des bocaux, probablement agités vigoureusement. Photoshop a eu aussi son rôle a jouer sans doute. Enfin, il y a un effet rococo qui me plaît beaucoup.
(p.s. Je viens d'apprendre que c'est en faisant tomber des goutes d'encre dans de l'eau qu'elle obtient ce résultat et par ailleurs il n'y a pas le moindre trucage par Photoshop interposé. Des photos naturelles donc.)


Le deuxième travail de (Cécile Beau) montre un bassin rempli d'encre de chine d'où sort de temps en temps un bruit de goutte qui tombe (ploc). Le son crée des petites vagues. Dans le hangar de Montrouge une fine couche de poussière est tombée sur l'encre ce qui rend le travail encore plus attachant. (La photo vient de son site très intéressant.)
(Jusqu'au 1 juin, La Fabrique, Montrouge)

jeudi 26 mai 2011

Trop de traits


Il y a au Louvre dans la salle des "cartons" (les dessins préparatoires des tapisseries) des tables de présentation qui sont des vrais chefs-d’œuvre. Une vision parfaite, on peut se pencher sans déclencher l'alarme, l'angle est parfaitement étudié. Cela n'a l'air de rien mais quand on a pris l'habitude de se mettre dans des positions difficiles pour voir une œuvre sans reflets de vitre on apprécie le confort.
En ce moment le Louvre présente les dessins de Pietro da Cortona (1597-1669) et Ciro Ferri (1634-1685. Je connaissais le premier seulement et c'est le deuxième qui m'a beaucoup impressionné. La définition du style "baroque" m'a souvent posé problème. C'est une définition presque forcément négative. Baroque, c'est trop de tout. Pas assez sobre. Et en effet, il y a des traits partout. C'est comme le lait qui risque de déborder. Il s'agît de surveiller en permanence. Pourtant la maîtrise est totale. Le dessinateur sait s'arrêter. Voilà ce qui est le geste le plus difficile: il faut savoir lever la plume, se dire qu'un seul trait supplémentaire risque de tout faire rater. Ciro Ferri le savait.

(Au Louvre du 10-03-2011 au 06-06-2011)

mercredi 25 mai 2011

Dans le Ventre de la Baleine



Avalé par la baleine, Jonas passa trois jours à prier. Il fut régurgité sur la
plage. Histoire étrange d'un homme qui sort d'un ventre pour la deuxième fois. Pour
accompagner un poème de Vincente Aleixandre, extrait du recueil "La destruccion o
el Amor" dans une belle traduction de Jacques Ancet.


La Nuit

Fraîche rumeur éteinte ou ombre, le jour me rencontre.

Oui, comme une mort, comme un soupir peut-être,
comme un seul cœur, peut-être, avec des bords,
comme limite, peut-être, d'une poitrine qui respire;
comme une eau qui doucement encercle une forme
et convertit ce corps en étoile dans l'eau.

Comme le voyage, peut-être, de qui se sent emporté
vers l'ultime estuaire où nul ne se connaît,
où les dents sont seules à faire le froid sourire,
d'autant plus douloureux que les mains restent tièdes.

Oui. Je vis comme un être, car telle est la vie,
arrivant dans le vent, dans l'élan généreux
qui consiste à s'étendre sur la terre et attendre
attendre que la vie sot une fraîche rose.

Oui, ainsi que la mort qui renaît dans le vent.

Vie, vie battante qui en forme de brise,
en forme d'ouragan s'échappant d'une haleine,
berce les feuilles, le bonheur, la couleur des pétales,
la fraîche fleur sensible qu'est devenu quelqu'un.

Comme jeune silence, comme vert ou laurier;
comme l'ombre d'un beau tigre jaillit de la forêt;
comme le plan d'eau qui retient, joyeux les rayons du soleil;
comme la bulle vive qu'un poisson doré inscrit sur le bleu du ciel.
Comme l'impossible branche où l'hirondelle ne suspend pas son vol...

Le jour me rencontre.


(travail terminé ce jour)

lundi 23 mai 2011

Polyphonies de Géorgie


Il y a quelque chose de profondément civilisé dans la polyphonie. Toutes ces voix doivent se contenir, écouter les autres, éviter de se mettre en avant. Soudain me revient le besoin de retrouver cela: l'harmonie. Il y a plus de vingt ans, aux puces de Glignancourt, j'ai acheté un lot de LP's russes, marque Mélodia, avec de la musique géorgienne. Voilà un premier disque, le chœur Karélia, pour les détails, ceux qui lisent le Russe seront comblés. Les autres fermeront les yeux.

http://www.mediafire.com/?scf9vskblqbgy

jeudi 19 mai 2011

Le Liquidateur


Les liquidateurs nucléaires entrent dans les zones contaminées par les accidents nucléaires. Métier mortel. Pour accompagner, ce poème étrange d'Edmond Jabbès:


Le Pèlerin

Tu ne marcheras jamais assez
pèlerin perceur fou d'horizon
La terre apprise est une prison
Les barreaux sont les chemins comptés
Tu ne rêveras jamais assez
La mer l'ennemi est déraison
Mais le ciel le bleu ciel insaisissable
est un murmure contenu de pierres
amoureuses dont le temps fait des bornes

Poème dans: Le milieu d'ombre,(1955)

(travail terminé ce jour)

mercredi 18 mai 2011

Tal Coat, une fois pour toutes


En 2006, onze ans après sa mort, un incendie a détruit une bonne partie de l’œuvre de Pierre Tal Coat. Quand on connait sa démarche artistique, radicale et mystique, l'affaire prend des allures de sacrifice. Peu d'artistes sont allés aussi loin que lui dans la présentation du geste du peintre, comme si une vague de peinture avait couvert chaque toile. Mouvement précis, inévitable. On pense à Rothko, peut être un peu moins tranquille, moins zen. Enfin, chacun son registre.
En tous cas les expositions de son travail à Paris (deux ces temps-ci) montrent qu'il reste encore des belles choses à découvrir.
(L'image vient du carton de l'exposition à la Galerie Vidal Saint Phalle à Paris, exposition jusqu'au 15 juin)

lundi 16 mai 2011

Martin Parr: le Souk


Voilà un endroit sympathique: L'Institut des Cultures de l'Islam à Paris qui est jusqu'à l'ouverture du nouveau bâtiment rue Doudeauville avec sa belle architecture de prestige, installé provisoirement dans un vieux centre culturel de la mairie de Paris. C'est un peu le souk avec des murs délabrés, un café où l'on se sent aussitôt parfaitement à l'aise, des gens qui entrent et sortent bruyamment. J'imagine le nouveau (le Grand) centre en cours de construction: l'orient splendide des mille et une nuits avec tapis, vaisselle et arabesques qui est si éloigné de la Goutte d'Or que nous montre Martin Parr. Espérons que les architectes viennent faire un tour avant d'installer les nouveaux lieux! C'est toute la qualité de Martin Parr d'avoir vu que la Goutte d'Or n'est pas un Orient de pacotille mais un quartier d'avant garde qui nous montre le chemin de la ville de demain.

(The Goutte d'Or, photos de Martin Parr jusqu'au 2 juillet à L'institut des Cultures de l'Islam)

dimanche 15 mai 2011

Vers la lumière


A l'exposition des dessins de la Kunsthalle de Hambourg au Centre Culturel Néerlandais à Paris on peut voir deux paysages nocturnes. Celui de Barent Fabritius (frère de Carel) part d'une feuille grise, foncée davantage encore avec la pierre noire. Quelques touches de gouache blanche font éclater la lumière. L'autre est de Pieter de Molijn ( pas d'image disponible). Dessiner la lumière est une action contradictoire: la feuille est blanche, l'encre est noire. L’œil va vers la lumière, là où l'encre n'est pas. D'où le sentiment de victoire quand on a réussi a apporter la lumière en maniant la plume.
A la même exposition un retable somptueux de Jan van Scorel. Grand peintre. Je le garde pour une autre fois.

samedi 14 mai 2011

Cap sur Lampedusa



L'île de Lampedusa me fait penser au Prince Giuseppe di Lampedusa, l'auteur du roman Le Guépard. C'est à partir de ce livre que Luchino Visconti a fait son film. Symbole du raffinement, de civilisation dans ce qu'il y a de plus noble. Voilà où arrivent aujourd'hui les gens qui fuient misère et oppression quand ils ne périssent pas en mer.
L'exil, comme le montre le beau poème de Peter Huchel (dans: Gezählte Tage, recueil de 1972), est un lieu où l'on habite. On ne part pas en exil, on est chassé de son pays et on cherche, non pas un autre pays mais quelque chose d'étrange que l'on appelle "exil". Un lieu sans arbitraire, un lieu civilisé, en somme le pays du Prince de Lampedusa.

Exil

Am Abend nahen die Freunde,
die Schatten der Hügel.
Sie treten langsam über die Schwelle,
verdunkeln das Salz,
verdunkeln das Brot
und führen Gespräche mit meinem Schweigen.

Draußen im Ahorn
regt sich der Wind:
Meine Schwester, das Regenwasser
in kalkiger Mulde
gefangen
blickt sich den Wolken nach.

Geh mit dem Wind,
sagen die Schatten.
Der Sommer legt dir
dier eiserne Sichel aufs Herz.
Geh fort, bevor im Ahornblatt
das Stigma des Herbstes brennt.

Sei getreu, sagt der Stein.
Die dämmernde Frühe
hebt an, wo Licht und Laub
ineinander wohnen
und das Gesicht
in einer Flamme vergeht.


(travail terminé ce jour.)

dimanche 8 mai 2011

Vinayak Vora: Dilruba et Tarshenai


Le dilruba est un croisement entre sarangi (l'archet) et sitar (les frets). Le tarshenai est plus petit et rajoute une espèce de trompe.

Deux instruments inhabituels que jouait Pandit Vinayak Vora. Voici, pour commencer une cassette de 1990 (Magnasound C4HI0219) avec les ragasShri, Komaldhawi et Jhinjoti sur le dilruba et ragas Basant et Bhairavi sur le tarshenai:

Un vieux 33t avec les ragas Desh, Pahadi et Bhairavi joués au tarshenai(Polydor M24550004)

Sur une cassette Saaz raag aur Taal (CBS FCT 13012) j'ai trouvé deux morceaux du Pandit: Shobavari, joué sur le tarshenai, et Sorath, au dilruba.

Deux ragas joués au tarshenai: Puria Kalyan, jugalbandi avec un joueur de flute que je ne connais pas par ailleurs: Arvind Gajendra Gadkar suivi par raga Gawoti. Il s'agît d'une cassette: Swarashri GV 001. Une rareté!



http://www.mediafire.com/?z6b929pa1e65v

Situation Room


C'est dans une pièce appelée "Situation Room" dans la Maison Blanche que le président Obama et son équipe ont pu suivre en direct la liquidation d'Oussama Ben Laden. Pourquoi cette image? Aucune idée. C'est sortie comme ça. Pourquoi avoir rajouté ce beau poème de Paul Célan qui suit? Mystère.

Sink mir weg
aus der Armbeuge,

nimm den Einen
Pulsschlag mit,

verbirg dich darin,
draußen.

(Poème de Paul Celan dans le recueil Lichtzwang de 1970)
((Travail terminé ce jour)

mercredi 4 mai 2011

Paysage Parfait: Claude le Lorrain


Dans les premiers dessins de Claude Gellée (Le Lorrain) on voit un homme , dessinateur, qui dessine le paysage devant lui. C'est un motif que l'on voit souvent dans la peinture chinoise. Le dessin est une vision ostensiblement subjective de la scène. Le dessinateur est là pour bien montrer que ce paysage réel n'est pas forcément tel qu'on le voit sur le dessin, c'est un paysage inventé par celui que l'on voit dessiner. J'avais découvert ça en comparant la peinture chinoise (des montages escarpées qui sortent de la brume) et le paysage que voient la plupart des chinois en regardant par la fenêtre (une plaine sans fin). C'est tout à fait la même chose que l'on voit chez Le Lorrain. L’œuvre montrée est la représentation d'un paysage mental que celui dans le coin du dessin est en train de mettre sur la feuille.
Tout au long de sa carrière Le Lorrain rajoutera des hommes sur ses dessins et tableaux. Ils ne dessinent plus. Ce sont pourtant pas des figurants. Si l’œuvre est là, c'est grâce à eux. Le paysage sort de leur tête. Les tableaux et dessins sont des "natures vivantes" en oppositions aux natures mortes. C'est à force d'observer le paysage qu'on finit par habiter dedans.



(Exposition somptueuse "Le dessinateur face à la nature" au Louvre jusqu'au 18 juillet)

dimanche 1 mai 2011

Le colonel Kadhafi dans son bunker



Il y a longtemps
il y avait un mot
et quand quelqu'un
le prononçait
la terre s'ouvrait,
laissait passer
ceux qui voulaient
trouver refuge
dans le sous-sol
jusqu'au moment
où les dangers
avaient cessé
dans leur pays.

Je ne sais pas
si aujourd'hui
on voit encore
des gens qui sortent
de sous la terre
après une guerre.
On voit des corps
qui longent le sol,
que l'on s'apprête
à enterrer,
car de ce mot
personne ici
ne s'en souvient.

(travail terminé ce jour)