jeudi 9 décembre 2010
Désolé
Chaque poète, même s'il ne s'en rend pas compte lui même, à un frère photographe. On ne fait jamais qu'illustrer le travail d'un autre. Le problème, bien sûr, est de rassembler ce qui est éparpillé et cela n'est pas facile. C'est le hasard. On voit une photo ou on lit un poème et soudain l'évidence saute aux yeux. C'est le "Déjà-vu". J'avais cela en regardant les photos du dix neuvième siècle à la Bibliothèque Nationale l'autre jour. Pas immédiatement, quelque jours plus tard je voyais mon livre des poèmes de Géorg Trakl (Das dichterische Werk) Un livre couleur sépia, comme les calotypes. Je me mets donc à lire
Blinde Klage im Wind, mondene Wintertage,
Kindheit, leise verhallen die Schritte an schwarzer Hecke,
Langes Abendgeläut.
Leise kommt die weisse Nacht gezogen,
Verwandelt in purpurne Träume Schmerz und Plage
Des steinigen Lebens,
Dass nimmer der dornige Stachel ablasse vom verwesenden Leib.
Tief im Schlummer aufseufzt die bange Seele,
Tief der Wind in zerbrochenen Bäumen,
Und es schwankt die Klagegestalt
Der Mutter durch den einsamen Wald
Dieser scweigendeen Trauer; Nächte,
Erfüllt von Tränen, feurigen Engeln.
Silbern zerschellt an Kahler Mauer ein kindlich Gerippe.
C'est merveilleux cette façon de commencer par un paysage qui peu à peu prend vie pour devenir un portrait. C'est pas gai en revanche. Trakl vient du pays de Thomas Bernard, ne l'oublions pas. Un monde désolé où l'on passe son temps à chercher une issue. En vain. Et pourtant, cette façon de retrouver toujours quelque part de l'humain est profondément réconfortant.
Am Abend schweigt die Klage
Des Kuckucks im Wald.
Tiefer neigt sich das Korn,
Der rote Mohn.
Schwarzes Gewitter droht
Über dem Hügel.
Das alte Lied der Grille
Erstirbt im Feld.
Nimmer regt sich das Laub
Der Kastanie.
Auf der Wendeltreppe
Rauscht dein Kleid.
Stille leuchtet die Kerze
Im dunklen Zimmer;
Eine silberne Hand
Löschte sie aus;
Windstille, sternlose Nacht.
(La première photo est de William Henry Fox Talbot, les deux autres de Peter Henry Emerson)
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