lundi 26 septembre 2011

Not Vital et les sommets


La Galérie Thaddaeus Ropac à Paris montre ces jours-ci les sculptures de l'artiste suisse Not Vital. Passons le pseudonyme. L'art est vital, l'artiste ne l'est pas forcément. Un séjour en Chine, passage obligé de nos jours, et le savoir faire des artisans chinois, ont donné jour à une série d’œuvres en acier et en charbon. J'ai été interloqué par ce morceau de charbon que l'on voit en haut. Je pensais aux pierres remarquables qui ornaient les cabinets des lettrés. Des pierres présentées sur des socles, faits sur mesure. Un exemple:


Voilà: il s'agît de regarder longtemps, de s'approprier l'objet pour qu'il devienne autre et qu'il prenne sens. C'est un peu long. Il ne faut pas être pressé. Sinon, on ne fait que déplacer des cailloux d'un endroit à un autre. Non, il faut souffler longtemps pour que les objets finissent par avoir un âme. C'est cela qui fait que l'art est vital.

mardi 20 septembre 2011

L'âme de Nicolai Ceaucescu quitte son corps


Pour accompagner un poème de Mircea Ivănescu, poète roumain qui est mort en juillet dernier:

Continuité

comment est il possible, inchangé, de rester le même? si tu as regardé ce que l'on voit de l'autre côté du jour, si tu es resté sans bouger, soudain, les mains serrées -quand tu as ressenti la peur - la véritable peur, comment alors rester le même? - peux-tu ensuite bavarder, dire les mêmes mots, avec le même regard, comme si la mort ne s'était pas dressée devant toi? Est il possible de rester inchangé après ça? Cette inertie sans fin, pouvons-nous nous en débarrasser? notre chair se contracterait alors, comme saisie d'un froid atroce, car nous serions alors différents, des hommes nouveaux, sous une lumière différente. Mais cette lumière quotidienne sera toujours la même, en en cela nous aussi nous sommes les mêmes - quelque soit l'heure du décès d'un autre, nous, toujours les mêmes, avec nos sentiments, nos mensonges - et la peur, même devant ce cadavre, un mensonge, un mensonge -

(travail terminé ce jour)

dimanche 18 septembre 2011

Le Poids du Ciel


Avant de s'embarquer sur les douze travaux Hercule se trouva un jour devant deux femmes d'une grande beauté. L'une d'elles lui proposa une vie de facilité et de plaisir. L'autre lui proposa une vie de devoir et de peine. Hercule se retira dans un lieu appelé "la croisée des chemins" pour réfléchir.

(travail terminé le 16 septembre)

jeudi 15 septembre 2011

L'opiomane dans son élément


Le Louvre des Antiquaires organise ces jours-ci une exposition étrange. Des centaines de pipes d'opium, d'un raffinement extrême. Pas de fumée cependant. La niche, avec couche, table basse, pipe, fourneau etc., ne sera pas occupée.


J'avais vu, il y a longtemps déjà, une exposition d'objets du lettré chinois: pinceaux, encres, pierres, instruments de musique. La pipe n'y figurait pas. L'opium n'est venu que très tardivement en Chine et les conséquences néfastes sur la santé ont fait que la mode fut sévèrement réprimée.
Ce raffinement a quelque chose de perturbant. Il ne viendra à l'esprit de personne d'exposer des seringues, ni même les bouteilles vides de l'alcoolique. Avec les pipes d'opium c'est un peu comme si la beauté des objets donnaient au propriétaire des droits que des gens plus rustres ne pouvaient revendiquer.
Enfin, cette exposition m'a fait relire "Le livre de l'Opium", classique du genre de Nguyen Te Duc. J'y retrouve cette belle description de ce que ressent le fumeur: "La mémoire semble si souple, si fraîche, qu'elle se présente à l'esprit sans recherche, sans fatigue, et comme un livre ouvert toujours à la page qui convient. Les faits, les dates, les souvenirs viennent, soit dans la pensée, soit dans la conversation, se placer d'eux-mêmes en leur ordre naturel et sans attendre l'appel." Voilà, le fumeur regarde le monde et on constate que tout est bien. Le constat est optimiste et durera le temps d'une pipe.

Mémoires d'Opium, Louvre des Antiquaires à Paris, du 1er septembre au 27 novembre 2011.

lundi 12 septembre 2011

Vers la Terre Promise


Voilà Moïse sur un bateau. Du vide donc mais pas autant qu'on croit. Tout cela, d'une certaine façon, est léger car inévitable. Pour accompagner un poème d'Anna Akhmatova dans une traduction de Jeanne Rude

Ma voix est faible, ma volonté tient bon.
Je suis mieux sans amour.
Le ciel haut, le vent des monts,
Et chastes sont mes pensées.

Ma sœur l'insomnie s'en est allée.
Je ne languis plus sur un lit de cendres.
L'aiguille oblique des heures
N'est plus une flèche fatale.

Ainsi le passé perd sa force.
La délivrance est proche. En regardant
Courir un rayon sur le lierre frais,
Je pardonne tout.

1912 Tsarkoé-Sélo


Travail terminé le 9 septembre

dimanche 4 septembre 2011

Une tête dans le ciel


Voilà une exposition à voir tranquillement à la maison, devant son écran. La BNF à Paris expose ses manuscrits des pays de l'Islam en proposant la totalité sur internet. Bien sûr on ne voit pas les vrais livres, les autres pages que l'on devine avec des miniatures étranges et invisibles. On ne sent pas le plaisir de l'original, mais enfin, il y a de très belles choses. Comme ce visage de lune au-dessus. Voici encore un autre qui semble tenir le cadre qui entoure sa tête:


C'est la nuit, la lune est un visage, le rêve se déroule devant nous comme dans ce cauchemar qui n'a pas besoin d'explication:

http://expositions.bnf.fr/islam/index.htm
L'exposition "Enluminures en terre d'Islam" est à la BNF, site Richelieu jusqu'au 25 septembre.

samedi 3 septembre 2011

L'Arrivée de l'Ancêtre


Pour accompagner un poème de Jules Supervielle:

Voyageur, voyageur, accepte le retour,
Il n'est plus place en toi pour de nouveaux visages,
Ton rêve modelé par trop de paysages,
Laisse-le reposer en son nouveau contour.

Fuis l'horizon bruyant qui toujours te réclame
Pour écouter enfin ta vivante rumeur
Que garde maintenant de ses arcs de verdeur
Le palmier qui s'incline aux sources de ton âme.

(dans: Débarcadères, 1922)

Travail terminé vendredi 2 septembre.