jeudi 6 janvier 2011
Au Coeur d'Alexandrie
Il y a des livres qui sont comme des vieux amis qu'on avait perdus de vue. Soudain on se retrouve nez à nez. Les retrouvailles sont immédiates. L'intimité n'a jamais disparu. Un vrai amour, c'est pour la vie. Les malheur des Coptes d'Alexandrie m'a fait reprendre les poèmes de Constantin Cavafy, une vieille traduction de Georges Papoutsakis, publiée en 1958. Je me souviens que c'est grâce à ce livre que j'ai vraiment senti ce que c'est que l'homosexualité. Chez d'autres auteurs ça restait une affaire cérébrale, chez Cavafy je me retrouvais d'emblée dans une volupté totale. Cavafy fait parti de ces rares écrivains que j'aurais aimé rencontrer. En tout bien tout honneur, cela va de soi. Pas lui sans doute. Je ne suis sûrement pas son genre. Premier poème:
Je suis allé
Libre de tout lien, entièrement abandonné, je suis allé.
Vers des réjouissances qui, moitié réelles,
moitié illusoires, hantaient mon cerveau,
dans la nuit illuminée, je suis allé.
Et j'ai bu des vins forts, comme seuls
savaient en boire les vaillants de la volupté.
"Avoir quelque chose dans la peau", belle expression qui correspond parfaitement à Cavafy. La ville d'Alexandrie, il l'avait dans la peau. Pas comme les terroristes qui portent leurs bombes sous leur manteau pour se faire exploser et gagner une volupté ridicule dans l'au-delà. Cavafy le savait bien: La volupté, c'est dans la vie qu'il faut la trouver.
La Ville
Tu as dit: "J'irai dans une autre terre, sur une autre mer.
Une autre ville surgira meilleure que celle-ci.
La fatalité condamne, ici, tous mes efforts;
et mon coeur -tel un mort- gît enterré.
Jusqu'à quand mon esprit restera-t-il dans ce marasme?
Partout où je dirige mon regard, partout
je ne vois que les noirs décombres de ma vie, ici
où j'ai passé tant d'années, tout détruit et tout ruiné."
De nouveaux lieux, tu n'en trouveras point, ni d'autres mers.
La ville te suivra: dans les rues tu rôderas,
dans ces mêmes quartiers tu vieilliras
et sous ces mêmes toits blanchiront tes cheveux.
Toujours à cette ville tu aboutiras. Quant à aller ailleurs -
plus d'espoir -point de bateau pour toi, point de route.
Comme tu as ruiné ta vie en ce petit recoin,
sur toute la terre tu l'as aussi détruite.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire